24 déc. 2011

1st post

Bonjour ou bonsoir, cher ou chère visiteur (visiteuse?)
Un peu d'étymologie : "blog" vient de l'abréviation de "web log" qui pourrait se traduire par "journal sur le web", et en d'autres termes bienvenue dans mon petit fourre-tout. D'ici peu, devrait y avoir par là des textes (sur tout et n'importe quoi), des petits dessins, des vidéos + ou - fun, des pensées + ou - absurdes, et en gros voilà quoi ! Un blog qui vient tout juste à la période des fêtes, cadeau de moi à moi (oh, c'est trop mignon !) et à propos de cadeau, je vous laisse avec Game Over, mon dernier court produit par Défi Ciné pour la 30ème édition de Kino Session. N'hésitez pas à laisser un p'tit mot !


Voilà, sur ce, je dis à très bientôt sur un quasi-haïku de réveillon :

......Quand la nuit tombe vite
......De mousseux et foie gras
......Mes papilles trépignent !

... et bonne année !

18 déc. 2011

Les presque aventuriers du Vatnajökull

Exercice live (le temps d'une soirée) sur VosEcrits.com
Thème libre, contrainte personnage : "mon frère (ou le vôtre)", contrainte lieu : "Islande"



1.
- Et donc ? Qui avait raison ?
- Très bien, je m’incline. Vous aviez raison.
Satisfait, j’entrepris de me lécher les lèvres, encore toutes humides de cognac.

2.
- Au secours !
- Ne crains rien, on va s’en sortir !
- J’ai peur !
- Dieu tout puissant !

* * *

Mais comment, par quel diable, me suis-je retrouvé dans cette galère ? En quelques minutes, j’ai l’impression d’avoir vécu cent ans de solitude, et qu’on va me retrouver congelé dans la glace comme cette femme dans La Nuit des Temps. Pour peu que la mécanique du cœur fonctionne encore, et si ça marche alors la vie est un miracle. Remettons les souvenirs en place.

* * *

3.
La petite Lizzie regardait par-dessus le hublot. Les glaces du Vatnajökull s’étendaient à présent sous la buée de son souffle et les traces de ses doigts.

- Ne nous fâchons pas, Marisa. C’était mon frère, ou le vôtre.
- Ç’aurait dû être le mien. Vous me déçûtes, mon cher.
- Mon choix vous aurait-il à ce point déplu ?
- Vous êtes dans le vrai. Mais brisons sur ce sujet, voulez-vous ? La lecture de ce magazine féminin de bas-étage a pour moi des charmes insoupçonnés, et je vous saurais gré de me laisser en paix durant son déchiffrage ô combien passionnant.

Jamais Marisa ne m’était autant insupportable que lorsqu’elle prenait ses mines hypocrites et ce ton ampoulé. De quoi se plaignait-elle ? Elle avait obtenu qu’on parte pour l’Islande, et plus l’avion se rapprochait de Keflavík, plus son humeur semblait perdre en altitude. Quant à la dispute à propos de nos frères respectifs, je ne vois pas comment elle pouvait encore critiquer mon choix, pourtant légitime : il avait d’abord été convenu que nous ne partirions que tous les trois, la petite, elle et moi, comme une famille normale. Hors, Madame ayant des atomes crochus – un peu trop à mon goût – avec le monde de l’exploration, il fallait quelqu’un pour garder la petite qu’il était hors de question d’emmener lors d’une expédition sur le Grímsvötn, par exemple.

- Mon père, c’est là qu’on va, n’est-ce pas ?
- Oui, Lizzie chérie, c’est bien là. Tiens, regarde : la plus haute montagne, là, c’est l’Öræfajökull. Un dangereux volcan, ne tombe jamais dedans.
- Aucun risque, avait sèchement aboyé Marisa.

Elle replongea furieusement la tête dans son magazine, sans prononcer un mot. Elle ne me pardonnerait décidément pas la présence de mon jeune frère, endormi comme un loir la tête contre la partie du hublot que les mains de Lizzie ne recouvraient pas. Parce que, quitte à aller en Islande, je voulais moi aussi prendre part aux expéditions aventureuses et, pour ne pas que Lizzie se retrouve seule, nous avions d’un commun accord décidé qu’une tierce personne nous accompagnerait, et qu’on se relayerait, lui et moi, auprès de la petite. Chacun proposa un frère. Elle le sien, moi le mien. Je trouvais qu’emmener Stou’ serait une bonne idée, vu qu’il n’avait presque jamais voyagé, et qu’il s’entendait à merveille avec Lizzie. Mais Marisa préférait son frère à elle, qui avait déjà été à nos côtés en Patagonie, et serait par conséquent à l’aise dans les glaciers islandais. Et me reléguerait donc au rôle de nounou exclusive, au final. La victoire, finalement, se fit au porte-monnaie : son frère, qui menait une vie de Bohême, n’avait pas de quoi s’offrir le billet, et moi, j’avais largement de quoi payer celui de Stou’. Stou’ qui, à présent, dormait au milieu de ses cheveux longs et de la musique de Sigur Rós qui continuait à s’échapper de ses écouteurs, posés de part et d’autre de la barbe naissante qu’il avait tenu à laisser pousser pour « mieux résister au froid là-bas ».

- Père, on fera des batailles de neige au bord des lacs ?
- Avec plaisir, Lizzie chérie.
- Marisa n’avait rien trouvé rien à redire. Ça ne partait pas si mal, finalement.

* * *

- Vous saviez que Reykjavik veut dire « baie des fumées » en islandais ? C’est poétique ! Et c’est là qu’Ingólfur Anarson, le premier colon, est arrivé en 874. Aujourd’hui, Reykjavik regroupe plus de la moitié de la population islandaise !
- Content de voir que tu t’intéresses au pays, Stou’ !
Stou’ avait le nez plongé dans son guide illustré pendant que Lizzie piaffait d’impatience en attendant d’aller voir les « gizaires », surtout le Strokkur qui crache son eau à vingt mètres de haut. Seule Marisa s’assombrissait, comme un volcan entouré de la fumée annonciatrice de l’éruption proche. Je pris le parti de ne rien dire jusqu’à ce qu’on arrive à l’hôtel.
- Attends, je vais saluer le type à l’accueil : « gódan dag, hvernig gengur ? » formula Stou’ avec enthousiasme. Yeah, t’as vu ça, Lizzie ?
Lizzie approuva avec un grand sourire d’admiration. L’hôte répondit par une phrase que Stou’ ne comprit pas.
- Heu… heu… « ég skil ekki », dit-il après avoir trouvé dans son guide la phrase signifiant « je ne comprends pas. »
L’hôte rit de bon cœur, Lizzie se moqua de son oncle, et Marisa se chargea de régler les affaires courantes en anglais. Elle m’apprit peu après que la première expédition était programmée pour le surlendemain, avec l’accompagnement d’un certain Sturlusson.

* * *

- Aide-moi, je vais tomber !
- Oui, attrape ma main.
- Je la tiens !
- Non, attention où tu mets ton pied !
- Aïe !

4.
Ce fut difficile de calmer les pleurs de Lizzie quand elle apprit qu’elle ne nous accompagnerait pas aux lacs glacés du Vatnajökull. Je faillis même me fâcher avec Stou’ qui, bien plus heureux ici que dans son studio d’étudiant, se sentait l’âme d’un conquérant et n’entendait pas rester confiné en ville, bien qu’il y ait à Reykjavik largement de quoi s’occuper. Quoiqu’il en soit Marisa ne semblait guère s’en soucier et, à l’heure du départ, son sac et le mien étaient prêts.

- Très cher, avez-vous su faire entendre raison à notre fille ?
- Non.
- Tant pis pour elle. Et votre frère ?
- Pareil, il proteste.
- Je vous avais bien dit qu’il ne fallait pas l’emmener.

Le dénommé Sturlusson arriva à quatre heures précises dans son 4x4, on posa les sacs et nos derrières, on prit la route, de longues heures. Je pensais à Lizzie, me promis de l’envoyer en colonie de vacances sur la Côte d’Azur pour la prochaine fois.

* * *

- Ah, très cher, je me sens l’âme d’une Viking ! Quelle beauté que ces blanches étendues à perte de vue, ce ciel froid, ces nuages argentés.
- Ravi de vous voir enfin de bonne humeur, Marisa chérie.
Elle ne me répondit pas, enchantée par les nouvelles chaussures de randonnées qu'elle baptisait au verglas islandais. Sturlusson dit quelque chose que je n’entendis pas, ils échangèrent quelques mots. C’est alors que cela se produisit.

* * *

Marisa avait juste eu le temps de me prévenir que nous allions subir un sérieux grain, sans m’en préciser la nature. En vérité, c’est plus qu’un grain : le sol se déroba littéralement sous mes pieds.
- Aarg !
J’entendis la voix de Marisa crier au loin. Peut-être qu’elle et son Sturlusson étaient dans la même situation que moi. Je levai les yeux : le ciel était à trois mètres au-dessus de moi, et le sol grondait. Je songeais à une surge glaciaire, quand j’entendis, malgré le fracas, la voix de l’Islandais crier « jökulhlaup ! Jökulhlaup ! ». Bien sûr, une débâcle glaciaire, la rupture par fusion du barrage de glace qui retient un réservoir d’eau. Qui dit rupture, dit crue : si je ne parvenais pas à sortir de ma crevasse, j’allais rapidement être submergé par des flots torrentiels. J’avais entendu parler de ce phénomène en Patagonie, lors de notre expédition au Campo de Hielo Sur : le frère de Marisa disait en avoir déjà vu un au Perito Moreno, mais que les plus violents avaient lieu… en Islande. Marisa devait me maudire à l’instant présent d’avoir refusé qu’il nous accompagne, ce frère qui connaissait le Champ de glace Sud de Patagonie comme peu d’Européens le connaissent. Mais enfin, me dis-je, ce Surlusson qu’elle avait contacté devait bien s’y connaître lui aussi en calotte glaciaire ? Un nouveau grondement coupa court à mes interrogations.

- Au secours ! hurla Marisa.
- Ne crains rien, on va s’en sortir, répondis-je sans trop y croire à cette voix que je ne pouvais voir.
- J’ai peur !
- Dieu tout puissant !
Je venais de le voir : le filet d’eau qui s’écoulait entre mes pieds, et un petit jet régulier qui perçait la paroi à quelques centimètres de moi.

* * *

5.
Mais comment, par quel diable, me suis-je retrouvé dans cette galère ? En quelques minutes, j’ai l’impression d’avoir vécu cent ans de solitude, et qu’on va me retrouver congelé dans la glace comme cette femme dans La Nuit des Temps. Pour peu que la mécanique du cœur fonctionne encore, et si ça marche alors la vie est un miracle.

Je me sentais tel ce soldat dans Guerre et Paix qui, empêtré de neige russe et sentant la fin proche, choisissait d'adresser une pensée aux êtres chers plutôt que de fouiller dans son sac à la recherche de quoi que ce soit d’utile. Sauf que, contrairement à lui, je n’étais pas blessé. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser très fort à Lizzie. Tellement fort que j’entendais presque sa voix résonner à mes oreilles.
- Père ! Mon père !
Alors je criai « Lizzie ! » comme pour répondre à cette voix, en me disant qu’au bout d’un moment c’est un torrent de larmes qui me noierait et non celui du glacier.
- Mon père ! Où êtes-vous ?
« Perdu, perdu, au fond d’une crevasse », répondis-je, sentant l’eau me venir aux yeux, et submerger mes mollets.
- Je vous entends ! Où êtes-vous ?
Attends une minute.
- Lizzie ? j’ai crié à nouveau.
- Oui, père ! On est là, Stou’ et moi !
Par tous les saints !
- Lizzie ! Lizzie ! Par ici ! hurlai-je alors à pleins poumons.
- Père ! Je vous vois !
La petite tête blonde adorée venait en effet de surgir du haut de la crevasse.
- Stou’ ! Stou’ ! Viens vite, je l’ai trouvé !

Dix secondes après, l’oncle avait rejoint la fillette. Tout en criant des ordres que mes sens en alarme ne me permettaient d’entendre qu’à moitié, il me jeta une corde solide que j’attrapai sans poser de questions. J’eus tôt fait d’être en haut et d’essuyer la plus terrible avalanche de bisous de ma vie, œuvre d’une Lizzie hystérique, et je crois que j’aurais donné beaucoup pour que le temps s’arrête quelques secondes, histoire de savourer. Stou’, en revanche, ne perdit pas son sang-froid, et me demanda où se trouvait Marisa. Aussitôt je me défis de Lizzie, et bondit là où je l’avais vue pour la dernière fois. Elle était à un mètre au-dessous de moi, agrippée à une petite corniche, surplombant un fossé d’au moins cinq mètres.
- Aide-moi, je vais tomber ! cria-t-elle aussitôt qu’elle m’aperçut. Je fus très légèrement étonné qu’elle abandonnât son habituel vouvoiement, mais l’heure n’était pas à la plaisanterie, aussi me gardai-je de le lui faire remarquer.
- Oui, attrape ma main.
- Je la tiens !
- Non, attention où tu mets ton pied !
- Aïe ! vociféra Sturlusson, dont les doigts de la main droite se trouvaient sous le talon de Marisa.

Finalement, quelques minutes plus tard, tout le monde était tiré d’affaire, et on se hâta de changer de position géographique pour ne pas se retrouver pris dans la crue du jökulhlaup. Stou’ m’expliqua brièvement que Lizzie demeurait inconsolable après notre départ et que, lui-même se sentant frustré de ne pas partir à l’aventure, ils avaient pris un taxi dans le but de nous suivre. « J’ai bien regardé dans le guide illustré comment s’y prendre pour donner les explications, et on a réussi », avait-il dit, concluant par un théâtral « Rien ne peut empêcher un oiseau de voler quand il se sent pousser les ailes du désir ! »

* * *

6.
De retour à l’hôtel, je m’empressai de demander l’adresse du meilleur restaurant de la ville, pour terminer en beauté cette aventure tumultueuse. Et aussi, au service d’étage, qu’on apporte une bouteille d’un excellent cognac à la chambre que nous partagions, Marisa et moi. Tandis que Lizzie et Stou’ se préparaient pour le dernier, je servis deux verres, pour mon épouse et moi-même. Je lui tendis le sien avec un grand sourire, elle devina mon intention.
- Quelque chose de complètement extérieur à cette histoire vous réjouit beaucoup, n’est-ce pas ?
Je bus une gorgée comme pour lui prouver qu’elle avait raison.
- En effet, Marisa. A propos de nos frères. Si le vôtre était venu, il vous aurait accompagné au Vatnajökull, j’aurais passé la journée à Reykjavik avec Lizzie, et vous seriez restés bloqués dans cette crevasse. Tandis que, puisque Stou’ est venu…
- J’ai compris, j’ai compris. Je pense qu’il aura droit à un cadeau des plus coûteux à son prochain anniversaire, puisque je lui dois la vie, c’est bien ça ?
- Et donc ? Qui avait raison ?
- Très bien, je m’incline. Vous aviez raison.
Satisfait, j’entrepris de me lécher les lèvres, encore toutes humides de cognac.

17 déc. 2011

Nocturne

Elle vient toujours avec la nuit
Lorsque le ciel s'enfuit sous cape
Cette impression que l'on s'échappe
Vers un monde éloigné du bruit

Alors tâtonnant on attrape
Quand plus rien ou presque ne luit
L'obscurité où sont les fruits
Mûrissant en fertiles grappes

Pour exprimer des petits riens
Écrire les choses qui sont loin
Coucher sur papier un émoi

Dire à la lune que l'on va bien
Dire aux étoiles de prendre soin
De ceux qu'on voudrait près de soi

_ _ _

pour la lecture : e muets à "elle" (§.1, v.1), "écrire" (§.3, v.2), "lune" (§.4, v.1) et "étoiles" (§.4, v.2)

22 nov. 2011

Le lapin et la belette

D'après Jean de La Fontaine et les Wriggles

Une belette dans son trou nichée
Essayait un nouveau gel douche
Maître lapin par l’odeur excité
Voulut s’approcher de sa couche
« Bien le bonjour, demoiselle parfumée »
Dit le lapin, l’eau à la bouche
« Si ton visage égale ton fumet
Je baise jusqu’à tes babouches »

Flattée, la belle voulut se montrer
Mais n’étant pas très fine-mouche
Dans sa hâte oublia sa nudité
Et dévoila tout à la louche
Maître lapin en fut bien enchanté
Et, certain d’avoir une touche
Il s’empressa alors de l’embrasser
Étant né de lubrique souche

Et la belette se laissa aller
Se montrant ma foi peu farouche
Quant à la suite je ne peux en parler
Désolé de botter en touche
Disons juste que ce fut mouvementé
Sur le tempo d’un jazz manouche
Comme quoi celui qui sait bien parler
Peut lever des saintes-nitouches

_ _ _


Inspirations :
- "Poupine et Thierry" des Wriggles, sympa à écouter
- "Le Corbeau et le Renard" de Jean de La Fontaine, sympa à réviser

13 juin 2011

Donald D-cadence

Exercice live (le temps d'une soirée) sur VosEcrits.com
Thème "drôle de cadeau", contrainte personnage : "Donald Duck", placer le mot "discount" dans la première ou dernière phrase



« Ça y est », se disait le canard d'affaires, « j'ai niqué Mickey ».
Lissant les plumes qui lui tenaient lieu de sourcils, Donald Duck tira une bonne latte sur son cigarillo. Depuis l'immense fenêtre de trois mètres sur cinq qui ornait ce cinquante-deuxième étage du gratte-ciel le plus moderne de Bourg-les-Canards, l'ex side-kick de la tristement célèbre souris en culotte rouge savourait sa revanche et un havane en contemplant le soleil qui descendait doucement au delà des limites de la ville. Loin, petite tâche sombre à l'horizon, le biplane de Flagada Jones surveillait l'entrée ouest de la glorieuse cité. Une route, récemment baptisée nationale 313, zigzaguait jusqu'à ce qu'il restait de Mickeyville. On s'était toujours abondamment moqué de Mickey et Donald parce qu'ils habitaient dans des villes portant leurs prénoms respectifs, honte qu'aucune autre star mondiale n'a à assumer – est-ce que Johnny habite à Johnnyville ? Désormais, le malin canard n'en avait cure. Aujourd'hui, il était le roi de Disney World.

Cependant, comme tout homme a des faiblesses, tout canard en a également. Naturellement bilieux, Donald avait un jour piqué une immense colère lors d'une réception huppée à Miami, tout près de la Mecque des parcs d'attraction dont il avait acquis 65% du capital financier à force de bons placements dans le monde pétrolier et des conseils d'un hacker professionnels pour obtenir une petite ristourne sur l'héritage de l'oncle Picsou. Cette colère, provoquée par l'impudence d'un serveur qui lui proposait un toast au foie gras – Donald, naturellement, n'aime pas trop le foie gras – lui avait coûté non seulement tout un service à champagne qu'il avait brisé avec ses petits poings de plume en baragouinant l'habituel « %@£§# » qu'on lui connaît tous, mais surtout trois points de suture à l'attention de Lady Daisy qui s'était rétamée en glissant sur les litres de Crêmant d'Alsace renversés un peu partout. Des types que l'on se refusera à appeler des journalistes, présents sur place – il faut dire que le gratin floridien avait Lindsay Lohan et deux magnats du commerce international de coke au programme de ses attractions – rapportèrent que Lady Daisy aurait alors dit : « Écoute pépère, ça fait au moins soixante-dix ans qu'on est fiancés, et si je dois te coûter plus cher en pansements qu'en bagues, autant retourner chez ma mère ! »

Aujourd'hui, donc, en ce lundi de Pentecôte, Donald Duck savourait un havane et sa revanche en jetant des fléchettes sur un vieux poster de Mickey, parce que là où le canard avait su rester un bon patriote, la souris s'était risquée à des placements foireux au Japon ou une autre souris, un certain Pikachu, lui avait placé tellement de bâtons dans les roues que Mickey avait du revendre plus des deux tiers de son capital sur Disney World. Alors, le fidèle canard, casquette de marin toujours sur le chef, avait apposé sa signature sur deux ou trois papiers et était ainsi devenu très, très riche. Seulement, en ce lundi de Pentecôte, Donald Duck venait également de voir un reportage à la télé sur des milliers de gens qui faisaient profession de foi. Et le canard, se remémorant les commandements de Walt, à savoir être toujours un modèle pour la société américaine, se disait qu'il devrait certainement faire un truc en rapport avec la chrétienté, même si présentement il s'en tamponnait un peu la nouille. Il décida alors d'un truc assez extravaguant : construire une église au coeur du parc d'attractions. Pas de problème pour les autorisations : quelques centaines de DVD de Rox et Rouky et de CD d'Hannah Montana envoyées pour des bonnes oeuvres à l'archevêque du coin et ça passerait crème. Le seul hic, c'est que pour faire une statue de la vierge qui lui convienne – c'est-à-dire une vierge un minimum bandante : rappelons que Sainte Marie fut pendant de nombreux siècles le seul personnage féminin à montrer ses seins dans l'art occidental – il lui fallait une dame canard. Et la seule cane séduisante qu'il ait en ses connaissances... Oui, il fallait rappeler Lady Daisy. Mais comment la convaincre, elle qui avait pleuré deux mois durant après cette histoire de Miami et à laquelle il n'avait adressé en tout et pour tout qu'un texto disant « désolé mais franchement entre toi et une dinde, biologiquement parlant y a pas énorme de différence » et un bon de réduction de 30% sur des paquets de mouchoir deluxe parfum framboise à prix discount. Aussi, malgré sa victoire complète sur le malheureux Mickey Mouse et un succulent partenariat avec une compagnie havanaise au tabac de qualité, malgré son nouveau bureau tout sauf cosy au cinquante-deuxième étage d'un gratte-ciel moderne, Donald piquait une colère en baragouinant le « %@£§# » qu'on lui connaît bien. Dans le couloir voisin, une femme de chambre qui n'avait jusque là jamais porté plainte, hésitait à lui remettre le billet de Lady Daisy sur lequel on pouvait lire : « Y a pas que les mouchoirs à la framboise qui sont discount, le magret que je vais faire de toi le sera aussi ! »

31 mai 2011

Le dernier regard

Comme il me paraît lointain
Le temps du dernier regard
Que tu m'offrais ce matin
Comme un muet au revoir

Il y a de ça un jour
Un an voire davantage
Tu ne parlais pas d'amour
Car tu étais encor sage

Moi qui ne le suis plus tant
Et à qui tu manques trop
Je me sens un coeur d'enfant
En rêvant à un bientôt

Car peut-être bien qu'un jour
Dans un an ou davantage
Tu me parleras d'amour
Tu voudras qu'on se partage

Je te dirai mon enfant
Je ne le souhaite que trop
Mais ce sera dans longtemps
Car pour l'heure il est trop tôt

Alors je ronge mon frein
Sans pourtant paraître hagard
Grâce au geste quotidien
D'une prière à l'espoir

4 mai 2011

Cri cri cri cri

Je crois que je vais m'asseoir dans l'herbe écouter un grillon. Cri cri cri cri. C'est fou, comme bestiole. Ça passe ses journées à rien foutre et la nuit, ça chante. Moi aussi parfois je passe ma journée à rien foutre. Mais la nuit, je chante pas. Enfin, c'est surtout parce que je chante faux. Je cri cri cri cri en silence : laisse-moi cri dans ma tête ! L'herbe est fraîche, quand même, j'aurais du mettre un jean. Faudrait l'orthographier autrement, ce mot, ça fait toujours drôle à prononcer sinon. « Djinn », comme les esprits ; le mien est un peu ailleurs. J'ai un bout d'herbe dans la main. Je hume, ça sent bon, j'imagine une autre odeur. C'est con, l'avant-dernière pour le plaisir je lui avais gardé une culotte, là j'ai oublié. J'ai juste un brin d'herbe, qui n'a aucun rapport. Elle a peut-être quelque chose à moi, cela dit...

Le grillon est infatigable. Qu'est-ce que ça doit être quand ça baise, ces machins-là ! Si ça se trouve, chez eux aussi il y a des rockstars, des super grillons qui cri cri cri cri tellement bien que toutes les grillonnes sont à leurs élytres (c'est bien ça qu'ils ont les grillons, des élytres ?)
Ce soir il n'y a pas de lune : elle a mis sa culotte de nuages. Ça tombe bien, elle m'aurait frustré, celle-la, une lune qui sort de nulle part et qu'on ne peut pas toucher.
Je pense que je vais m'endormir avec une rockstar dans les oreilles. Je crois même pouvoir dire avec certitude que je vais rêver. Il n'y a ni lune ni étoiles dans ce ciel, il va bien falloir que quelqu'un les y mette.

7 janv. 2011

Dans tous les sens

- Robert ?
- Hmm ?
- Je t'aime, Robert.
- Hmm.
- Je comprendrais que tu trouves ça un peu précipité, mais...
- Ouais.
- C'est vraiment ce que je ressens. Je veux dire, cette nuit avec toi, c'était, même pas formidable, c'était... magique !
- Hmm.
- Tout, tes mains, ta bouche, tes yeux, tes épaules larges, ton sexe généreux...
- Hein, hein.
- J'aime tes draps, tes caresses, tes baisers, j'aime que mon corps devienne comme de la cire entre des doigts, une poupée que tu façonnes et malaxes jusqu'à plus soif. J'aime sentir ça, encore et encore.
- Hmm.
- Ton souffle chaud me donne vie. À côté de toi, Léo, c'était rien, c'était trois fois rien, toi tu es mille fois tout, pour le cœur comme pour le chibre, oui. Je suis ta chose, Robert.
- Ouais.
- S'il te plaît, chéri...
- Hmm ?
- Parle-moi, je t'en prie, j'ai besoin de ta voix.
- Oh, là là...
- Quoi ?
- Tu prends toute la couette, Bryan.
- Hein ?
- Et de bas en haut.